Le 17 décembre, la commission extramunicipale sera amenée à débattre de la « limite » entre la place et la rivière : parapet ou balustrade ?
Pour présenter la position de la Société des Amis du Vieux Saint-Antonin, lisez le texte préparé par Thierry Le Roy, texte qui a circulé entre les administrateurs de l’association et qui, en version finale, vous est ici.
» Saint-Antonin, Commission extra-municipale, débat sur la place des Moines – 17 décembre 2020
Thierry Le Roy, Société des Amis du vieux Saint-Antonin
1) Merci à vous Séverine, d’avoir organisé cette ultime concertation sur notre place des Moines. Et merci à ceux qui ont contribué depuis un an à enrichir le débat, à y mettre les enjeux d’urbanisme, et à lui rendre un peu de sérénité.
2) Vous m’avez demandé de parler, au nom des Amis du vieux Saint-Antonin, du thermalisme, et de la balustrade, sans dépasser 20 minutes. Je ne vais sûrement pas aller au delà de cette limite, mais je ne vais pas enfermer notre avis dans la question du thermalisme.
3) Je commence donc par cette figure imposée.
C’est un peu normal, au fond, pour une association qui a pour objet la connaissance de l’histoire et du patrimoine, de s’intéresser à un moment, même court (une quinzaine d’années) de notre histoire, qui nous a légué l’essentiel du cadre bâti de cette place (l’ancien bâtiment des Thermes, devenu la salle des Thermes, l’ancien hôtel des Thermes, en face, sans parler du bâtiment du cinéma et d’un autre, rive droite, et bien-sûr l’escalier monumental et la balustrade du bord de l’eau).
C’est un passé récent (un siècle), et qui ne s’était pas construit en continuité avec l’histoire médiévale du site et du reste du vieux saint-Antonin.
Mais je voudrais essayer de montrer que ce passé nous a marqués. Il a, d’abord, marqué les deux grandes figures d’historien de notre Société, Jean Donat (notre fondateur) et Georges Julien qui a tant fait pour le vieux Saint-Antonin, pour le raconter, le faire connaître. L’un et l’autre ont étudié la place des Moines, et vous pouvez trouver leurs textes et leurs articles, très documentés, dans nos bulletins des années 1962, 1963, 1978, 1989 (sur notre site savsa.net). On y voit ce qu’ a été, dès le début du XVIIIè siècle, pour les maires et les consuls de l’époque, la recherche de fontaines, en particulier celle de la Saleth, pour l’alimentation en eau potable, et la réputation de bienfaisance de cette eau qui amenait déjà des curistes.
Eau potable mais aussi thermale depuis longtemps. Christian Viron nous en a aussi raconté l’histoire dans le bulletin municipal.
Dans cette histoire, la place des Moines entre en scène avec la municipalité Paul Capin (1904-1925), et la décision du conseil municipal en 1910 d’amener en ville l’eau de Saleth, par une canalisation qui sera achevée en 1916 (rive droite, à l’époque). Un établissement thermal est concédé en 1920. L’exploitant transforme l’ancien couvent des Capucins en Grand Hôtel des Thermes (Carré des gourmets aujourd’hui), et l’exploitation commence avec l’autorisation ministérielle en 1924. Entre temps, l’escalier monumental, sa fontaine et sa balustrade avaient été construits, et dûment photographiés. On n’était pas dans le sur-tourisme, mais on pensait aux visiteurs et à la vue du village et du site qui leur était offerte à la descente du train. C’était historiquement le premier aménagement du bord de l’eau, réservé jusque là à la pêche et à la lessive.
La pratique du thermalisme n’a été alors qu’une mode passagère, emportée avec une partie de la balustrade (et la chaussée de Roumegous) par la crue de 1930. Mais je voudrais souligner deux points, qui empêchent de voir dans la mémoire du thermalisme une simple lubie de Dominique Perchet :
– La valeur thermale des eaux de la Saleth est « connue et appréciée de toute ancienneté par les habitants de ce pays », disait Georges Julien. Le thermalisme n’était pas une pure importation ;
– Ensuite, l’aménagement de la place des Moines lié à ce thermalisme n’a pas passionné que les historiens que j’ai cités. Il fut la grande affaire des municipalités successives, des maires qui ont assez marqué notre histoire pour laisser leurs noms à nos principales avenues (Capin, Benet, sans parler du bd des Thermes). Capin a porté le projet, son grand oeuvre, de 1904 à 1925. Benet qui l’a battu cette année-là, a continué avec autant d’énergie. Après le crue de 1927 puis le désastre de 1930, on y a cru encore quelques années : on a fait des réparations, on a encore construit une salle des fêtes-casino contre l’établissement thermal… L’autorisation d’exploiter n’a été retirée qu’en 1933. Et encore en 1942, on a voulu consacrer le site dit de la « promenade des Moines », premier historiquement des sites protégés de Saint-Antonin. Et c’est encore dans le cadre d’un programme « Thermalisme du plan sud-ouest » qu’a été concédée l’exploitation, industrielle cette fois, de la Saleth, avec une nouvelle adduction jusqu’à la place des Moines, cette fois rive gauche, en 1989, et même, déjà, la construction d’une buvette.
4) Voilà pour le thermalisme. Mais la SAVSA n’est pas la « Société fermière des Eaux et Thermes de Saint-Antonin ».
Exprimant un avis qui est celui de la SAVSA mais aussi le mien, je voudrais encore ajouter deux considérations.
La première, sur le site. Il finira peut-être par être classé, avec les Gorges de l’Aveyron ou avec le « Site patrimonial remarquable » qu’est devenu le vieux Saint-Antonin. Pour le moment, il n’est qu' »inscrit », ce qui veut dire que les services de l’Etat qui veillent à sa protection (l’ABF) n’ont qu’un pouvoir consultatif. Ils n’ont pas à valider le projet, qui leur sera cependant soumis. Sur la sauvegarde de ce site, nous avons fait, tous ensemble, un chemin depuis un an (depuis la première réunion publique, le 22 octobre 2019), en reconnaissant ses deux aspects, qui avaient été un peu oubliés par le cabinet maître d’oeuvre mais qui s’imposent dès qu’on prend un peu de recul : à la fois l’image qu’il donne de Saint-Antonin depuis la rive opposée (illustrée par la photo de 1922 (il faudra du temps pour retrouver les grands ormeaux, mais l’escalier et sa balustrade y éclatent); et le belvédère sur l’Aveyron et le Roc d’Anglars, qu’il ne fallait pas gradiner.
Ma seconde considération est pour la balustrade. Nous pensons d’abord, et pas seulement moi (je me souviens de notre dernière AG, au mois d’août), qu’elle forme un ensemble cohérent* avec l’escalier monumental, transparente, et visible comme lui ; et que s’il y a des questions de sécurité, liées à sa hauteur ou aux interstices entre les balustres – ce qui n’est pas sûr puisque la balustrade est encore en partie en place -, ces questions peuvent être résolues, comme les balustres manquants, faciles à restaurer (en béton moulé) pour un coût modeste. Nous pensons surtout que, si on peut bien-sûr concevoir d’autres façons la limite sud de la place et sa fonction de belvédère (Franck Boyer va peut-être vous proposer un mur prolongeant celui du confluent de la Bonnette), il faudrait des raisons fortes pour faire disparaître – ce serait irréversible – cette balustrade du bord de l’eau, qui compte tant dans l’image de Saint-Antonin depuis l’autre rive, et qui est celle que les habitants d’aujourd’hui ont toujours connue, et honorée (comme bien d’autres, je pense aux photos du mariage de ma fille).
Et, dans les habitants, nous comptons les visiteurs fidèles de Saint-Antonin, ceux qui l’ont quitté mais y gardent des attaches (catégorie que notre SAVSA connaît bien, nous sommes un de leurs liens avec Saint-Antonin), ceux qui n’y sont pas nés mais y sont venus (une majorité des habitants d’aujourd’hui, y compris ceux qui y viennent chaque été), et qui ont « flashé » sur ce site.
Je dirais même que leur point de vue compte plus pour nous que celui d’autorités reconnues qui ont écrit au maire, ces derniers mois, pour justifier la sauvegarde de la balustrade du belvédère et son escalier monumental (vous pouvez trouver sur notre site les lettres de Maurice Scellès, le plus saint-antoninois des conservateurs du patrimoine; ou de la Société Archéologique du Midi de la France, société savante vieille de 170 ans, dont les 80 membres sont aussi savants mais un peu plus jeunes).
Un site historique chargé de mémoire n’est pas forcément immuable. Mais il faut des raisons fortes pour y toucher : un projet nécessaire ou voulu, qui implique une transformation (ce serait le cas si on voulait aménager la berge en plage avec des degrés pour y accéder, par exemple, ou relier par une passerelle la place au parking d’en face); ou l’ajout d’une réalisation architecturale extraordinaire en rupture avec l’existant, qui finirait par s’imposer [Je cite ce cas de figure en me souvenant – toutes proportions gardées – du projet de la pyramide du Louvre, que j’ai particulièrement suivi à l’époque). Même la Révolution française n’a pas été jugée conservatrice lorsqu’elle a conservé le château de Versailles, ou, après le 10 août, le palais des Tuileries.]
Nous pensons ne pas être les seuls à penser ainsi à Saint-Antonin, où on devrait trouver plus de consensus pour maintenir la balustrade de l’escalier monumental que pour la faire disparaître.
* »Avant 1900, la place est une promenade près de l’ancien cimetière. Une murette (voir photos de l’époque) fait la limite. Au bord de l’eau, il y a une descente en terre (avec cependant deux accès qui préfigurent les descentes de l’escalier ultérieur) : on regarde l’eau, on lave son linge, on pêche, on fait de la barque.
Après 1915, la place est organisée tout autrement : thermes, escalier et balustrade : c’est un autre « tout » cohérent : il s’agit de regarder l’eau, mais aussi de se faire voir d’en face avec une esthétique thermale qui est bien celle de l’époque. Le muret reprend son tracé une fois passé l’établissement thermal (vers la Bonnette) car on sort de la mise en scène voulue par les architectes. » (Dominique Perchet).